Malgré de nouveaux obstacles, le contentieux du permis à points fonctionne toujours en 2019.
Il convient de rappeler que les autorités tentent de limiter le bénéfice des recours visant à récupérer des points et les permis de conduire, en interdisant, depuis 2014, de saisir les COURS ADMINISTRATIVES d’ APPEL en matière de permis de conduire et en dispensant le rapporteur public (anciennement commissaire du gouvernement) de rédiger des conclusions pour les procès en droit routier.
Le double degrés de juridiction est pourtant indispensable en droit du permis de conduire comme dans les autres domaines du droit et les conclusions étaient très utiles puisqu’elles énonçaient le droit et la jurisprudence applicables.
Ce qui entrave le travail de l’avocat permis de conduire.
Comme si cela ne suffisait pas, les autorités ont décidé d’entraver le fonctionnement du mécanisme habituel de la charge de la preuve, qui devrait toujours incomber à l’accusateur, qui, en matière de permis de conduire, n’est autre que l’Etat.
Des décisions applicables en 2011 et en 2014 font obstacle au bon déroulement des procès administratifs et entravent la récupération de points retirés et des permis de conduire invalidés par décision 48 SI du ministre de l’Intérieur.
Ainsi, a-t-on purement et simplement interdit l’accès à la Cour administrative d’appel, pour le contentieux administratif des permis de conduire. (Décret 2013730 du 13 août 2013)
Pourtant, ce second degré de juridiction était indispensable puisqu’il permettait la création d’une jurisprudence fiable à laquelle les tribunaux administratifs devaient se soumettre.
À compter du 1er janvier 2014, rien n’interdit à chaque tribunal administratif de suivre « ses propres règles » ; de sorte, que le conducteur malchanceux qui a perdu ses points et n’a pas su gérer son capital ou simplement n’a pas été informé de la décision modèle 48 SI, ou de certaines infractions, sera jugé de façons différentes, à Bordeaux, Toulouse, Limoge, Poitiers ou Pau, alors qu’avant 2014, la Cour de Bordeaux pouvant être saisie, elle fiabilisait l’application du droit.
Il en était de même, pour les tribunaux administratifs de Caen, Orléans, Rennes et Nantes, qui se pliaient au respect de la jurisprudence de la cour administrative de Nantes. Idem pour le ressort de Marseille, Lyon, Douai, Versailles ou Paris.
Certes, le ministre pourrait objecter qu’il est toujours possible de saisir le Conseil d’État, mais il est bien évident que seuls quelques candidats à la récupération de points fortunés peuvent le faire. En effet, seuls quelques avocats détiennent le monopole de la représentation devant cette haute juridiction, de sorte que les tarifs pratiqués sont relativement élevés et même inabordables pour beaucoup de conducteurs automobiles ; sachant qu’il faut ajouter un paramètre important, la durée de la procédure.
En fait, l’on a remplacé, sept façons différentes d’appliquer les règles de la production de preuves (encore faut-il souligner que les jurisprudences des cours d’appel étaient concordantes, puisqu’elles s’alignaient sur celle du Conseil d’État ; l’ensemble était cohérent), par une trentaine.
De plus, il convient de souligner que l’État a également (article R. 732-1-1 du Code de justice administrative créée par Décret n° 2011-1950 du 23 décembre 2011) refusé aux avocats qui interviennent dans le domaine des permis de conduire les avantages des autres matières du droit, en dispensant le juge devenu unique, des conclusions (toujours précises et intéressantes qui reprennent la jurisprudence du Conseil d’État et des Cours applicables aux permis à points), du rapporteur public (nouvelle appellation des commissaires du Gouvernement). Ce qui met le devenir du candidat à la récupération du permis de conduire, entre les mains d’un seul et unique magistrat.
Les autorités considèrent donc que le conducteur automobile, dont le permis a été annulé (invalidé) et retiré, est une sous-catégorie de justiciable, qui n’a plus le droit, depuis 2012, de bénéficier des conseils avisés d’un rapporteur public et qui n’a plus le droit, depuis 2014, de bénéficier d’un second degré de juridiction !!
Cette double disparition a des effets notamment dans le domaine de la gestion de la preuve :
Madame Chantal PERRICHON, présidente de la Ligue contre la violence routière, parlera d’instrumentalisation de la justice à des fins dilatoires.
En ce sens, que les avocats prendraient systématiquement que le client n’a pas reçu les informations prévues aux articles L. et R. 223-3 du Code de la route afin de fausser les débats et de gagner les procès en mettant l’administration dans l’impossibilité d’apporter la preuve contraire.
Pourtant, force est d’admettre que les pouvoirs publics ne sont pas en position de faiblesse en matière d’apport de preuves, bien au contraire. Leurs moyens d’investigation sont considérables et sans limites ; ainsi peuvent-ils interroger et enquêter auprès des services de la Poste, des services fiscaux, de toutes les administrations et même auprès des entreprises et des particuliers.
Ainsi, sont-ils susceptibles, sans rencontrer la moindre difficulté, d’assurer la défense de l’intérêt public, dans un procès administratif ; excepté lorsque cette preuve n’existe pas, parce que les faits, sur la base desquels le permis de conduire a été retiré après invalidation, sont inexactement relatés sur le relevé d’information intégral.
Dans ce cas, le tribunal administratif devrait faire jouer la présomption d’innocence et restituer, sans délai, le permis de conduire injustement annulé.
Or, à aucun moment le juge se pose la question de savoir si la mention amende forfaire qui figure sur ledit relevé d’information intégral est exacte, il considère au contraire, que cette mention prouve que l’automobiliste a bien payé l’amende. La présomption est absolue et le ministère de l’Intérieur n’a, dans cette hypothèse aucune preuve à apporter. La victime d’une erreur de transcription n’a alors rien à dire ; et comment pourrait-elle apporter la preuve qu’elle n’a rien payée ? Les relevés bancaires ne suffisent pas… Pourtant, le Trésor public n’aurait aucune difficulté à justifier d’un paiement ou d’une absence de paiement, mais il n’est jamais sollicité, lorsque l’amende est dite forfaitaire.
Le procès administratif est donc déséquilibré sur le plan de la charge de la preuve.
En règle générale, devant la juridiction civile, les parties ont les mêmes droits, et nul n’est dispensé de présenter ses preuves ; la France est un État de droit.
Il n’existe donc aucune raison objective qui justifie une telle dérogation dans le domaine du permis à points.
Pourtant, celui qui soutient ne pas avoir reçu d’information concernant une infraction, sans arrestation (radar fixe, procès-verbal dit « à la volée », etc.), qui n’a pas payé d’amende forfaitaire ou majorée et qui n’a reçu aucune relance, ne devrait pas avoir à le prouver.
D’ailleurs comment pourrait-on prouver que l’on n’a rien reçu ou bien que l’on n’a jamais été invité à payer quoi que ce soit ?
C’est donc, en toute logique juridique, à la partie adverse (l’administration) qu’il appartient d’apporter la preuve contraire. C’est elle qui est censée avoir effectué les démarches nécessaires et la charge de la preuve doit impérativement lui incomber.
C’est ainsi que les points retirés, assortis de la mention « Amende forfaitaire majorée », devraient être réattribués sans délai à la demande de l’intéressé dont le permis de conduire vient d’être invalidé pour solde de points nul.
Et, ledit permis de conduire devrait, en bonne justice, être récupéré, revalidé, dans le cadre d’un simple référé suspension, sauf preuve contraire de la réception par le conducteur concerné, de l’avis de contravention ou de l’avis de majoration ou encore d’un quelconque commandement de payer.
Il faut admettre que le paiement d’une amende est simple à prouver, puisque la comptabilité publique n’autorise aucune erreur. De plus, celui qui envoie une correspondance à un autre doit impérativement être en mesure de prouver qu’il a bien effectué cette démarche. C’est valable pour les justiciables ordinaires, cela doit l’être aussi pour le ministre de l’Intérieur et pour ses services.
Et bien non, les juges administratifs vont même quelquefois jusqu’à estimer qu’il suffit pour l’administration d’attester qu’elle a bien remis à la poste le pli destiné au conducteur malchanceux pour que cela vaille réception par ce dernier. Ce qui est inimaginable dans un procès civil ; qui peut prétendre n’avoir jamais reçu une lettre qui ne lui était pas destinée ?
Lorsque les cours d’appel pouvaient être saisies, les parties disposaient des mêmes armes ; ce qui était logique.
Par ailleurs, il faut bien comprendre que, s’il existe une présomption en faveur de l’administration chargée du contentieux des permis de conduire, quant aux mentions qui figurent sur les procès-verbaux, cette présomption ne doit pas exister lorsque l’on est en présence d’une absence totale d’information concernant l’infraction elle-même.
Un tel procédé ne serait-il pas totalement déloyal !
J’invite donc les tribunaux à donner l’avantage (au titre de la présomption d’innocence) à celui qui (et c’est généralement le cas) risque de perdre son travail, alors qu’il n’était pas informé de certaines infractions et donc de l’amputation de son capital des points correspondants.
J’invite également, pour plus de justice et d’équité, à mettre systématiquement l’administration des permis de conduire en demeure d’apporter la preuve de la réalité de chacune des infractions qu’elle a elle-même inscrites sur le relevé d’information intégral.
J’invite l’État, pour les mêmes raisons, et autoriser de nouveau la saisine de la Cour administrative d’appel en matière de droit automobile et à ne plus dispenser le juge des conclusions du rapporteur public.
Certes, il ne faut pas oublier que les mauvais conducteurs représentent un fléau national, mais ce n’est pas une raison pour s’affranchir des règles d’un procès équitable.
On semble oublier que les personnes qui sont privées de leur permis sont souvent lourdement sanctionnées par la perte de leur emploi, qui entraîne souvent la destruction du milieu familial. À ce titre, elles doivent bénéficier de tous les avantages qui sont accordés aux justiciables ordinaires. On doit leur accorder, a minima, le bénéfice du doute, en ce qui concerne les points décisifs.
LES RÈGLES QUI CONCERNENT LA CHARGE DOIVENT ÊTRE LES MÊMES POUR TOUS ET CELUI QUI A PERDU SON PERMIS DE CONDUIRE PAR MANQUE DE POINTS DOIT ÊTRE UN JUSTICIABLE ORDINAIRE.